Le village bucolique de Baar a tout d’une carte postale de la Suisse, avec ses sommets enneigés, ses vertes prairies et ses vaches broutant paisiblement. Mais grâce à la fiscalité particulièrement avantageuse du canton, il a attiré au fil des ans une multitude de spécialistes des matières premières.
C’est cet avantage qui a fait venir dans les années 1970 le trader Marc Rich dans la ville voisine de Zoug, où en avril 1974 il a fondé avec quelques proches collaborateurs la société Marc Rich + Co dont il est devenu le président, selon le registre du commerce.
Les débuts de la société sont difficiles, les associés travaillant dans un appartement de quatre pièces faisant office de siège social. Pour envoyer des télex, ils doivent se rendre dans un bureau de poste, raconte l’écrivain Daniel Ammann dans sa biographie (King of Oil) sur Marc Rich.
Si les locaux sont modestes, les bénéfice sont au rendez-vous dès la première année grâce au négoce de pétrole, de métaux et de minerais, avec un profit de 28 millions de dollars en 1974, qui progresse à 50 millions l’année suivante, poursuit l’auteur d’une des rares biographie sur le trader.
La société progresse très rapidement dans les années 1980, notamment par l’acquisition d’actifs miniers et agricoles. En 1990, l’entreprise grandit encore en prenant une participation dans son homologue Xstrata, alors dénommée Südelektra. Aujourd’hui, Glencore détient 34,5% du groupe minier helvétique.
Mais l’ascension prodigieuse de Marc Rich, poursuivi par la justice américaine pour avoir conclu des marchés avec l’Iran, Cuba et l’Afrique du Sud, connaît une chute brutale au début des années 1990.
Après avoir perdu 172 millions de dollars sur un contrat, Marc Rich est poussé à la porte en 1993 après un rachat de sa société par les salariés. La valeur de l’entreprise est alors estimée entre 1 à 1,5 milliard de dollars, selon M. Ammann. Aujourd’hui, les analystes de RBC Capital Markets l’évaluent à plus de 60 milliards.
Rebaptisée Glencore, la société déménage dans le village voisin de Baar. Elle est aujourd’hui présidée par Willy Strothotte, tandis qu’Ivan Glasenberg en est devenu le directeur général.
Durant les années 1990 et 2000, Glencore poursuit sa stratégie d’acquisition et détient aujourd’hui en propre une grande partie de ses actifs miniers (zinc, cuivre, plomb, aluminium, etc.), énergétiques (pétrole et charbon) et agricoles (coton, tournesol, blé, sucre…). Elle s’approvisionne aussi auprès de 7.000 sous-traitants.
Glencore détient également en propre des installations portuaires, des entrepôts et une flotte de navires pour fournir ses clients à travers le monde.
Cette capacité à s’approvisionner et à livrer à n’importe quel endroit de la planète a permis à Glencore de dégager l’année dernière un bénéfice net (hors élément exceptionnel) de 3,8 milliards de dollars et un chiffre d’affaires de 145 milliards.
Détenue par ses salariés, la société, qui a émis fin 2009 des obligations convertibles pour 2,3 milliards de dollars, bute néanmoins sur des capacités de financement limitées, car elle ne peut pas lever de fonds sur les marchés comme une société cotée.
L’introduction en Bourse de ce poids lourd du secteur devrait gonfler sa capacité de financement et faire de ses dirigeants des milliardaires.