Pour priver l’Iran d’essence et l’obliger à négocier sur le dossier nucléaire, les pays occidentaux multiplient les pressions sur les négociants qui l’alimentent en produits pétroliers. Si les Etats-Unis menacent de faire voter une loi, Israël préfère faire jouer ses relations privilégiées avec la principale entreprise de négoce au monde, le suisse Glencore, dont le chiffre d’affaires s’élevait à 165 milliards de francs suisses en 2008. Basé à Zoug, le groupe, qui s’est longtemps appelé Marc Rich + Co. AG, travaille en bonne intelligence avec Tel-Aviv depuis près de quarante ans.
Alliance pétrolière
Jusqu’en 2008, Glencore était l’un des trois principaux fournisseurs d’essence de l’Iran. Depuis la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en juin, le groupe codirigé par le Sud-Africain Ivan Glasenberg et l’Allemand Willy Strothotte a graduellement cessé d’approvisionner le pays, laissant le marché – pourtant lucratif – à ses compatriotes Vitol et Trafigura. Alors qu’il n’hésite pas à alimenter des pays encore plus isolés que l’Iran, Glencore semble avoir abandonné Téhéran au profit d’un de ses plus anciens et fidèles clients, Israël. Depuis le début de la décennie, Glencore approvisionne en pétrole russe et kazakh la société de distribution Sonol Israel Ltd. Le négociant est également le principal client de l’oléoduc
entre Eilat et Ashkelon, qui achemine le pétrole du Caucase vers les marchés asiatiques.
Alors que la loi israélienne interdit normalement tout investissement étranger dans les infrastructures pétrolières, Glencore a néanmoins pris en 2006 une participation de 45% dans la raffinerie de Haïfa (160 000 b/j) avant d’être contraint par les régulateurs israéliens, deux ans plus tard, de vendre ses parts. La direction de la sécurité de Glencore, l’une des plus secrètes dans un univers du négoce déjà peu réputé pour sa transparence, reste principalement constituée d’anciens officiers des forces spéciales et du renseignement israéliens.
Renseignements contre barils.
Les liens de Glencore avec Israël remontent à 1973, quand le groupe s’appelait encore Marc Rich + Co. Dans sa biographie (Daniel Ammann, The King of Oil, St. Martin’s Press) publiée le mois dernier, Marc Rich lève un coin du voile sur ses relations avec l’Etat hébreu. Approvisionné en brut par le régime du shah, Israël a permis en 1973 à Marc Rich + Co. de revendre une partie du pétrole iranien qui transitait par l’oléoduc entre Eilat et Ashkelon. L’ayatollah Khomeiny ayant rompu tout lien avec Tel-Aviv en 1981, c’est Marc Rich qui a continué à ravitailler les raffineries israéliennes en brut iranien, vendant au pays entre 20 000 et 40 000 barils par jour, soit 20% de ses besoins.
Quand Marc Rich a été mis en examen en 1983 par le procureur de New York Rudy Giuliani, c’est un ex-officier du Mossad et des Renseignements militaires, Avner Azoulay, qui est devenu son conseiller pour le renseignement. Objet d’un mandat d’arrêt international, Rich est toujours parvenu, grâce aux informations d’Azoulay, à échapper aux agents de l’US Marshals Service. Un piège visant à le faire venir à Moscou afin de l’arrêter lui aurait même été tendu en1 992 par l’intermédiaire du cabinet Kroll (où travaillaient à l’époque plusieurs anciens procureurs de New York), puis déjoué au dernier moment. Les bureaux de Marc Rich + Co. ont longtemps été soupçonnés de servir de couverture à certaines opérations israéliennes de renseignement au Moyen-Orient. Avner Azoulay est aujourd’hui le directeur de la Marc Rich Foundation, mais les liens tissés par Marc Rich + Co. avec Tel-Aviv ont survécu à son retrait du groupe en 1994.
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